<< Les cornets gauchers

1.3. Position de l’embouchure :

Comme nous l'avons suggéré au paragraphe 1.2.2, la tenue de l'instrument influence la position de l'embouchure sur les lèvres. Quelle que soit la manière de placer les mains, la position de l'embouchure peut rendre plus ou moins confortable la position du musicien. Dans le cas d'une inversion inconfortable des mains la position de l'embouchure pourra remédier à la gène du musicien, à moins que ce ne soit la position de l'embouchure qui contraigne le musicien à inverser ses mains...

1.3.1. Usage "normal" de l’instrument : position au choix

Dans le cas ou le cornet est tenu "normalement" par le musicien, la position de l'embouchure est libre et dépend uniquement du choix du musicien. Serge Delmas place son embouchure au centre des lèvres. Si un musicien plaçait l'embouchure très à droite sur les lèvres, il pourrait diminuer la tension du bras droit et le replier légèrement ce qui ne nuirait pas au confort de sa position, au contraire. La procession d'Antoine Sallaert montre un musicien gaucher, jouant sur un cornet gaucher, accompagnant la courbure de son instrument en plaçant l'embouchure très à gauche sur les lèvres.

Antoine Sallaert (fin XVI°s.), Procession (détail), Musée royal des Beaux-Arts de Belgique :

Jean Tubery, lui, place son embouchure très à gauche sur les lèvres, ce qui augmente la tension du bras droit, mais cela ne semble pas le gêner du tout pour jouer.

1.3.2. Inversion inconfortable : position imposée pour améliorer le confort

Dans le cas ou un musicien serait contraint de jouer sur un instrument dont la courbure est inverse de celle à laquelle il est habitué, la position de l'embouchure pourrait l'aider à compenser la gène occasionnée par une contradiction entre la position des mains et la courbure de l'instrument. Sur plusieurs tableaux nous pouvons remarquer que des musiciens droitiers jouant sur des instruments gauchers placent l'embouchure très à droite sur les lèvres avec la tête légèrement tournée, ce qui peut améliorer le confort.

Valentin de Boulogne, Concert, Musée du Louvre, Paris ; Veronèse, Les noces de Cana, Musée du Louvre, Paris ; Aniello Falcone, Le concert, Museo del Prado, Madrid :

1.3.3. C’est la position de l’embouchure qui détermine le choix de l’instrument gaucher ou droitier

Nous devons envisager que le problème est peut-être inverse : c'est peut-être la position de l'embouchure qui pourrait amener le musicien à choisir un instrument gaucher ou droitier. En effet un musicien qui préfère placer l'embouchure près de la commissure des lèvres pourrait être obligé de choisir un cornet courbé dans un sens plutôt qu'un autre, de manière à diminuer les tension apparaissant dans ses bras.
Si on considère que l'hygiène et le soin des dents étaient très mauvais au 16ème et 17ème siècles, et que par conséquent, la plupart des hommes avaient les dents abîmées, on peut supposer que l'absence de certaines dents ou un défaut de la dentition ne permettait pas aux musiciens de placer l'embouchure là où ils le désiraient. Les personnes qui ont les "dents de la chance" éprouvent des difficultés à jouer en plaçant l'embouchure au milieu des lèvres et d'autres problèmes tout aussi triviaux comme les becs de lièvres, boutons, etc... peuvent contraindre aussi à une certaine position. Nous pouvons également remarquer que Jean Tubery, qui place l'embouchure à gauche, a des lèvres dissymétriques...