2. Situation du musicien
Face à l'instrument, la position du musicien peut-être de deux ordres : Soit l'instrument est soumis au libre choix de l'instrumentiste, soit il lui est imposé. Il convient donc d'examiner la situation du musicien face aux cornets gauchers ou droitiers.
2.1. Choix guidé par le confort
Si le musicien choisi lui même son instrument, son choix de la courbure à gauche ou à droite, de la position des mains et de l'embouchure, est guidé par le confort. L'instrument est alors dédié au musicien. Serge Delmas lui même, ajuste ses cornets lors de la fabrication , en fonction de la personne à qui il le destine.
Les flûtistes peuvent inverser les mains facilement sur leur instrument car il y a deux trou pour le petit doigt, le trou inutilisé est bouché à la cire. Les flûtistes pensent donc que la courbure du cornet remplis le même office que le double trou de la flûte. D'après eux, les cornets gauchers seraient simplement dédiés aux instrumentistes qui préfèrent inverser les mains. Quant à la contradiction entre la courbure du cornet et la position des mains elle dépendrait de la fantaisie du musicien...
" Les cornets à bouquin n ‘ont pas de dernier trou, mais la courbure fait à peu près le même effet : gauche pour ceux qui préfèrent mettre la main gauche sous la droite (ils ne sont pas pour autant nécessairement gauchers), droite pour les autres. "
Nicolas Meeus (musiSorbonne@cines.fr)
2.2. Instrument imposé ou donné au hasard
L'usage d'un cornet gaucher n'est pas anodin et contrairement à ce que pensent les flûtistes, un cornet gaucher ne semble pas destiné aux gauchers. En effet, le cornet gaucher est fabriqué spécialement alors que la flûte est toujours la même quelque soit le trou bouché à la cire. Entre percer un trou supplémentaire et fabriquer intégralement un instrument distinct, il y a une grosse différence. D'autres raisons semblent justifier cette variation de la courbure. Quand on considère les contradictions qui existent entre position des mains et courbures des cornets dans les gravures, peintures, etc., on en vient à se demander si les instruments n'étaient pas imposés aux musiciens qui devaient se débrouiller avec.
2.2.1. Le musicien doit pouvoir inverser, polyvalence jugée naturelle
" Je pense que nous surdéterminons trop de manière intentionnelle les instruments de cette période : nous les voyons trop comme conçus en vue, à l’intention d’une utilisation précise (exacte). Or les musiciens s’adaptaient plus qu’aujourd’hui. "
Thomas Sylvand (musiSorbonne@cines.fr)
Comme le fait remarquer Thomas Sylvand, les musiciens devaient s'adapter à leur instrument. Il faut se souvenir en outre que, souvent, les instrumentistes étaient amenés à jouer des instruments appartenant à l’orchestre ou à la chapelle qui les engageait, plutôt que leur instrument personnel. Ils n’avaient alors peut-être pas le choix de la courbure et devaient être capables de changer la position des mains. C’est sans doute la standardisation ultérieure qui à fait perdre cette capacité d’adaptation.
2.2.2. Polyvalence non naturelle amenant à une contradiction instrument/position
Sur les gravures de Claude de La Ruelle, visibles dans La musique en Loraine de A.Jacquot (fig. 17 et 19) et réalisées lors des obsèques de Charles III en l'église St George (17/07/1608), trois cornettistes contredisent la courbure de leur instrument. Visiblement ils ne se sont pas adaptés, est-ce parce que les cornets étaient suffisamment petits pour que l'inversion des mains ne soit pas utile ? Ou bien est-ce parce qu'ils n'en étaient pas capables ?
Que les musiciens soient tous capables d'inverser les mains à la demande parait improbable. Il semble plus crédible que les instruments imposés par les chapelles aient mit certains musiciens dans des situations inconfortables, entraînant des contradictions entre la courbure de leur cornet et la position de leurs mains.
Gravures de Claude de La Ruelle, visibles dans La musique en Loraine de A.Jacquot (fig. 17 et 19) :