<< La synthèse par modèles physiques

1. Description générale

La synthèse par modèles physiques2 est une technique de synthèse sonore qui, au lieu de s'attacher à reproduire le son lui-même (par l'analyse des fréquences qui le compose par exemple), part du dispositif physique producteur de ce son. Ainsi, cette technique se démarque des méthodes de synthèse digitale comme la synthèse soustractive, additive, etc.

L'objectif de cette synthèse est autant scientifique qu'artistique car celle-ci permet aux scientifiques d'approfondir leur connaissance des phénomènes sonores et offre aux musiciens un nouveau matériau pour la composition.

Avant que le musicien puisse utiliser la technique de synthèse sonore par modélisation physique, c'est aux scientifiques que revient la charge de créer le modèle virtuel d'un instrument particulier ou le logiciel de modélisation qui permettra de " construire " les instruments virtuels voulus par le compositeur. La notion de modèle joue ici un rôle essentiel, comme dans toutes les disciplines consistant à simuler puis extrapoler des phénomènes naturels. Ce modèle est une abstraction qui a pour but de condenser de manière formelle l'information, représentée par un ensemble de paramètres, véhiculée par le son. La démarche du physicien consiste à traduire, à partir des lois fondamentales de la mécanique et de l'acoustique, l'ensemble des interactions observées entre les différentes parties de l'instrument, ceci en vue de modéliser la cause physique de la production sonore. Le but est de savoir dans quelle mesure le modèle mathématique peut représenter efficacement les mécanismes de production du son des instruments acoustiques. Ce modèle ne peut être qu'une version simplifiée du système réel, ne prenant en compte, sous forme mathématique, que les phénomènes mécaniques jugés pertinents. La production de sons par le modèle est simulée et étudiée numériquement : l'écoute détermine si les sons obtenus ont bien les caractéristiques de ceux produits par l'instrument réel. Cette étape d'expérimentation permet de qualifier l'influence des différents paramètres mesurables sur des caractéristiques qui restent subjectives comme les modes de jeu (multiphoniques, chaotiques, non-oscillants…) ou les critères perceptifs (brillance du son, rugosité,...). Le dialogue du scientifique avec l'instrumentiste est ici primordial.

Cette étape d'imitation est indispensable pour obtenir la compréhension la plus parfaite possible des sons déjà existants. L'élaboration de sons inouïs est entièrement fondée sur la possibilité de simuler des instruments réels. Ceci peut paraître restrictif mais savoir imiter permet de mieux pervertir.

Quand le modèle est jugé suffisamment fidèle à l'original, on peut l'extrapoler puis créer des instruments imaginaires, simulés par l'ordinateur, et impossibles matériellement, comme un tambour dont la membrane est increvable quelle que soit la force avec laquelle on la frappe, une guitare de 15 mètres de long, … Ces instruments chimériques sont des extensions d'instruments réels ou des instruments fantasmagoriques dont les caractéristiques et la géométrie peuvent varier au cours du temps. Une fois l'instrument modélisé, il est alors possible de découvrir le son qu'il produit.

Cette technique ne cherche pas à créer un modèle " complet " d'instrument mais seulement son état physique dans la situation extrêmement limitée d'une exécution. Si parfois les modèles créés sont trop lourds et coûteux en temps de calcul donc inutilisables en temps réel et peu utiles pour les musiciens, ils permettent néanmoins de décrire et comprendre les phénomènes non linéaires et localisés que l'on trouve dans la plupart des mécanismes excitateurs des instruments.

La synthèse sonore par modélisation physique englobe, en fait, toute une famille de techniques mises au point par différents chercheurs. Celles-ci sont nombreuses, mais toutes ne sont pas aussi connues et peu ont fait l'objet d'applications musicales. Du fait de la nature mathématique de la plupart de ces techniques et du gros travail de programmation qu'elles impliquent, la modélisation physique n'est passée que très lentement des laboratoires aux studios privés. C'est seulement depuis une petite dizaine d'années que des applications satisfaisantes ont été mises au point pour certaines d'entre elles. En général, toutes ces techniques utilisent des algorithmes fondés sur des structures courantes du traitement du signal numérique, comme par exemple les lignes de retard, les filtres ou encore les opérations de consultation de table. Malheureusement ces structures impliquent un certain nombre de simplifications et les sons produits, tout en ressemblant à ceux d'instruments de musique, ne sont pas toujours d'un très grand réalisme. Cela ne veut pas dire pour autant que ces simulations soient sans intérêt pour la composition. Au contraire, de tels sons extraordinairement flexibles peuvent être tout à fait utiles.