Les concepts, la terminologie et certaines formules employées dans la synthèse par modèles physiques sont issues de modélisations effectuées par des acousticiens et physiciens d'aujourd'hui mais aussi de traités du XIXeme siècle sur la nature du son comme celui de Helmoltz3 ou du début du XXeme siècle tel que The theorie of sound4 (1894-1945) de Lord Rayleigh.
A l'université de l'Illinois, entre les années 1967 et 1970, Lejaren Hiller, James Beauchamp et Pierre Ruiz sont parmi les premiers à avoir adapté les modèles physiques à la synthèse numérique de la musique en synthétisant des sons d’objets comme des cordes, des barres, des plaques et des membranes mis en vibration par pincement et par percussion. La thèse de Pierre Ruiz, dirigée par Lejaren Hiller, pionnier de la composition assistée par ordinateur, portait sur la simulation des cordes frottées à partir de la résolution d’équations différentielles. Les calculs et la synthèse des sons ont été réalisés aux Laboratoires Bell. Malheureusement le procédé était trop coûteux en temps de calcul et inutilisable avec le matériel informatique de l’époque.
Ercolino Ferreti est un autre pionnier de la synthèse par modèles physiques5. Il dirigeait les travaux d’étudiants du MIT de Harvard et de l’université d’Utah dans les années 60 et 70. Puis, encouragé par les premiers résultats, il fonda la société Ferreti-Lay dans le but de commercialiser la musique assistée par ordinateur. La puissance des ordinateurs, comme nous l'avons dit, était alors insuffisante pour obtenir un résultat satisfaisant et la société fut dissoute en 1970.
En 1963, John Kelly, Carol Lochbaum et Max Mathews ont réalisé Daisy, l’air populaire, entièrement par ordinateur. La voix est obtenue par simulation du conduit vocal et cet exemple, qui aujourd'hui fait sourire par son manque de musicalité et sa sonorité " synthétique ", revêt une grande importance historique.
A la fin des années 70, Claude Cadoz, Jean Loup Florens et Annie Lucianni6, se sont de nouveaux intéressés aux méthodes de synthèse par modèles physiques en associant eux aussi, le phénomène sonore aux vibrations de la structure mécanique qui le produit, et en s'attachant au calcul spatio-temporel de ces vibrations. L’ACROE7 met alors en œuvre, entre autres, une architecture informatique originale par sa diversité et sa puissance dans le " number crunching " aussi bien que le temps réel, afin de développer un " outil de création " multi-sensoriel et à retour d’effort. Le programme créé, CORDIS-ANIMA, est basé sur la technique de synthèse modale, découverte en 1979, qui consiste en la représentation de structures vibrantes à partir de leurs composants mécaniques élémentaires.
En 1989, Jean-Marie Adrien a développé la synthèse modale, qui fut ensuite la base du logiciel MOSAÏC8 développé par l’IRCAM, et l'a généralisée à toutes les structures intervenant dans la modélisation des instruments. Adrien a développé les modèles et les algorithmes de synthèse de MOSAÏC sur une période de plusieurs années (1988-1991). Ce système de synthèse modale a été mis en œuvre par Joseph Morrison en 1991. Les recherches et les travaux de développement du système ont été repris à l’IRCAM9 en 1994 par René Caussé à la tête de l’équipe de recherche en acoustique instrumentale et par Gerhard Eckel, directeur de l’équipe de recherche dans le développement des représentations sonores. MODALYS10, le successeur de MOSAÏC, a été étendu à de nouvelles machines et peut être utilisé désormais sur DECStation, DECAlpha, NeXT, SGI, Macintosh et PowerMacintosh, ordinateurs utilisés par l’IRCAM. Aujourd’hui Modalys s’est associé avec le programme Modalyser, mis au point à l’Université du Hertfordshire en Grande Bretagne, et porte le nom de Modalys-ER.
Parallèlement à ces recherches, Kevin Karplus et Alex Strong ont mis au point, en 1979, une technique11 permettant de produire des sons de cordes pincées, moyennement réalistes, mais nécessitant très peu de calculs. Il était possible de produire 2 ou 3 sons simultanés en temps réel sur un processeur 8080A. Le modèle de Karplus / Strong est une référence historique car c'est le premier exemple d'un nouveau type de synthèse physique. Il a été généralisé de manière à synthétiser le son de n'importe quel instrument. Cette technique générale développée par Julius Orion Smith a pris le nom de synthèse par guide d'ondes12.
Nous reviendrons plus en détail sur toutes ces techniques dans la seconde partie de ce mémoire. Mais, avant, nous nous attacherons à faire l'état de l'art.