<< La synthèse par modèles physiques

3. Objet sonore / Evénement sonore

L'accès des compositeurs aux modèles physiques est encore trop récent et trop restreint, pour pouvoir en établir les conséquences sur la pratique de la composition. Cependant, il est à remarquer que la synthèse par modèles physiques bouleverse notre rapport au son. En effet, les années de pratique de la musique électroacoustique - que nous soyons amenés à utiliser des sons concrets ou synthétiques - nous ont habitué à abstraire le son de toute origine mécanique et à le considérer comme un objet autonome. En restituant une dimension causale, les modèles physiques nous amènent à reconsidérer profondément l'ensemble de nos habitudes. Guillaume Loizillon met en avant, dans sa thèse106, le fait que ce changement se traduit par l'opposition des conceptions de " son objet " et de " son événement ". En effet, au concept de " l'objet sonore " défendu par Pierre Schaeffer dans son Traité des objets musicaux s'oppose une vision événementielle du son exposée par Roberto Casati et Jérome Dokic :

" La présence d'un son témoigne de la présence d'un événement. L'aspect dynamique du monde fait ainsi son apparition dans la perception auditive. Mais il est clair que le lien entre les sons et les événements est fort étroit, et sans doute plus étroit qu'un simple lien de témoignage ; suivant la thèse que nous voulons défendre, les sons sont des événements107. "

Nous remarquons alors, que la conception de " l'objet sonore " correspond tout à fait à la démarche des synthèses par modèle de signal, alors que les synthèses par modèles physiques se rattachent à cette notion de " son événement ". Cette possibilité qui nous est offerte de pouvoir assimiler le son à quelque chose de familier, de le comprendre en terme d'effet d'un événement mécanique, semble donner à cette technique de synthèse une simplicité et une facilité d'approche toute particulière. La mise en jeu d'un savoir instinctif que nous avons du monde sonore réel devrait suffire à justifier l'intérêt de cette méthode, mais s'agit-il réellement d'un savoir instinctif ?