Pour le contrôle des modèles, il est possible d'acquérir les valeurs des paramètres à partir de mesures effectuées sur les instruments. Mais, dans le cas d'instruments fragiles ou de la voix, les mesures possibles sont limitées, certaines étant tout à fait impossibles dans l'état actuel des techniques. Un moyen permettant d'extraire les données du son lui-même serait la solution la plus efficace et la plus générale.
Cependant, pour l'instant, il n'existe aucune technique d'analyse qui permette à partir d'un son quelconque d'extraire les paramètres physiques permettant de modéliser la source qui l'a produit. Néanmoins, dans le cadre de Cordis-Anima, il a été développé un outil d'analyse112 qui permet, à partir d'un geste donné et de la réaction correspondante de la structure vibrante, de déduire la composition de cette dernière, en termes de masses et de ressorts.
Pour déduire de l'analyse d'un son les paramètres physiques de la structure le générant, il est, pour l'instant, nécessaire d'utiliser des filtres Kalman, outil d'analyse qui repose à la fois sur la théorie des signaux et sur la représentation en variables d'états, et qui permet d'identifier l'état d'un système dans un contexte non stationnaire et avec une entrée déterministe. Les filtres de Kalman sont supérieurs aux méthodes de prédiction linéaire, mais ne sont efficaces qu'avec une modélisation fondée sur le formalisme en variables d'état. Or aucune des synthèses que nous avons évoquées n'utilise ce formalisme. De nombreuses recherches à l'IRCAM sont poursuivies dans le but de développer une écriture des modèles physiques basée sur ce formalisme largement utilisé dans le domaine de l'automatique, ce qui permettrait d'utiliser le filtrage de Kalman comme procédé d'analyse. Jusqu'à présent, les tubes (linéaires) des instruments à vent ont été décrits d'une manière physiquement et perceptiblement satisfaisante, en prenant en compte les pertes viscothermiques au cours de la propagation des ondes sonores dans l'air. Après une modélisation simplifiée du rayonnement, ces modèles seront reliés à des excitateurs non-linéaires permettant de simuler les sources. A partir de ces travaux théoriques, un environnement informatique capable de créer automatiquement un synthétiseur113 donné à partir de la géométrie d'un système de tubes interconnectés, est actuellement mis au point.
" Nous voulons souligner l'importance du choix du modèle pour une technique de synthèse. En particulier une des qualités que doit avoir le modèle est qu'il doit bien se prêter à une acquisition automatique des évolutions de ses paramètres à partir d'une ou plusieurs de ses sorties. En ce sens, les modèles en variables d'état semblent intéressants parce qu'ils constituent un intermédiaire entre les modèles de signaux et les modèles physiques ce qui autorise un transfert de connaissance de l'une des approches vers l'autre114. "
Pour l'instant, l'absence d'une méthode d'analyse rend l'utilisation de la synthèse par modèles physiques problématique et contraignante. Le compositeur se trouve face à deux interdictions fondamentales. D'une part, il ne peut associer directement à un son donné un ensemble de paramètres, ce qui l'empêche de prédire le résultat sonore correspondant à la manipulation des paramètres de contrôle ; sans notion d'acoustique approfondie et de pratique instrumentale, le compositeur sera contraint de procéder à de nombreuses expériences. D'autre part, l'absence d'analyse interdit toute transformation du son d'un instrument réel par l'intermédiaire d'une analyse-resynthèse. Ce serait pourtant très intéressant : on assisterait à une mutation sonore mais surtout à une mutation de l'instrument lui-même.
La possibilité d'associer une méthode d'analyse à une synthèse et par voie de conséquence, transformer un son instrumental, reste le propre des synthèses par modèles de signaux. Les utilisateurs de la synthèse par modèles physiques s'attachent donc à reproduire des instruments connus afin d'apprendre à maîtriser ces paramètres.